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L'EAU DENRÉE RARE ET PRÉCIEUSE DE NOS MILIEUX HABITÉS

L’eau s’habite et se pratique au même titre qu’un lieu. L’expérience que l’on peut en faire est tout autant sensible que culturelle. On peut parler d’habiter : cette notion soulève des questions d’expérimentations, d’expériences et de cultures. Celles-ci ouvrent des perspectives pour nous, futurs architectes, qui intégrons des innovations dans la conception de projets urbains et architecturaux.

1. VOIR L'EAU COMME UN SYMBOLE

            Depuis les civilisations les plus anciennes, l’eau occupe une symbolique très importante. Elle est à la fois source de vie, de purification et de régénérescence du corps et de l’esprit. Elle est signe de fertilité, de pureté, de sagesse, de grâce et de fécondité. Elle nous vient spontanément à l’esprit comme l’élément à l’origine de toute vie animale et végétale. Non seulement l’eau est source de vie, mais toute vie est faite d’eau. L’eau est paradoxale : elle donne la vie, nourrit et féconde, elle inonde, détruit et tue, avec ses incessants va-et-vient, elle donne et reprend.

            L’eau renvoie des images plurielles que le philosophe Gaston Bachelard classe selon plusieurs catégories :

- Les eaux-miroirs comme les lacs, les flaques, qui renvoient le reflet du monde.

- Les eaux courantes, comme les fleuves, les rivières, les cascades, qui signifient le changement perpétuel, symbole de la vie, paradoxalement source de création, de destruction et de purification.

- Les eaux maternelles, comme la mer, qui donnent la vie et sont la genèse du vivant, symbole de la naissance et de la croissance.

- Les eaux dormantes évocatrices de la mort, eaux calmes et croupissantes des étangs immobiles.

- Les eaux profondes, nocturnes, abyssales renvoyant au mystère de l’univers.

- L’eau est partout.

 

De plus, l’eau est présente dans la religion depuis des temps archaïques. Selon la tradition juive, l’eau symbolise la purification, la pureté. Chaque prêtre et chaque fidèle doivent se laver les mains afin de bien distinguer les activités religieuses des autres activités.

L’eau pour les Chrétiens reprend ces valeurs purificatrices, mais symbolise également le renouveau, la résurrection. L’eau est également très présente dans l’Islam. Le “zam zam” est la source sacrée d’origine miraculeuse et la purification est très importante dans l’exercice du culte. La vie de Bouddha est parsemée d’allusions aux rivières, lacs et fleuves. Enfin pour les hindous, le fleuve est un élément primordial, on compte par ailleurs sept fleuves sacrés : le Gange, la Yamunâ, Godavari, Sarasvatî, Narmada, Sindhu et Kaveri (par exemple le Gange aurait également des vertus soignantes pour les malades).

Pour nous futurs architectes, il est nécessaire d’avoir conscience de cette symbolique pour la réinjecter dans des projets architecturaux ou urbains.

2. LES ENJEUX ENVIRONNEMENTAUX

La question de l’eau en ville revêt un enjeu environnemental très fort : cette denrée est aujourd’hui précieuse, c’est pourquoi sa répartition, sa gestion et sa raréfaction sont des questions majeures pour nous, futurs concepteurs. Il nous est impératif d’assumer une position engagée face à cette réalité sensible car 25% de la ressource première en eau sont utilisés dans le domaine de l’industrie. C’est aujourd’hui que les changements doivent s’opérer pour réinventer les missions de gestion de l’eau, tout en intégrant la dimension éco-responsable.

 

            L’eau est une ressource faussement abondante et tend à devenir une ressource en voie de disparition : malgré les nombreuses alertes, les consciences sont peu éveillées par rapport à cela. Nous savons que 70% de la surface de la Terre est couverte par les océans mais seulement 3% de cette eau est douce : entre les eaux dites fraîches et impropres, seulement 1% de l’eau sur Terre est utilisable. La population terrestre croissante ne cesse d’exercer une pression sur cette ressource et parallèlement, le réchauffement climatique conduit à la diminution de l’eau. En effet, le changement climatique est la cause première de l’appauvrissement en eau de la planète. Le détraquement climatique conduit à des pluies torrentielles, des ouragans ou de fortes sécheresses. Tout cela entraîne un dérèglement des nappes phréatiques et a une incidence sur le niveau de l’eau, sa quantité, sa qualité mais également sur la faune et la flore. C’est pourquoi l’UNESCO alerte sur la pénurie d’eau qui constitue l’enjeu primordial du XXIème siècle et qui n’épargnera aucun continent.

            De nombreuses villes d’aujourd’hui tendent vers le « jour zéro » qui est la date fatale où l’eau douce ne sera plus accessible. Un quart de l’humanité est menacé par cette pénurie comme Sao Paulo, Melbourne, Jakarta, Londres, Pékin, Istanbul, Tokyo, Bangalore, Barcelone et le Mexique, villes vouées à se confronter au jour zéro dès 2040, si leur consommation ne change pas. Prenons l’exemple du Cape Town, qui adapte désormais sa consommation d’eau pour éviter ce jour zéro. A l’approche des sécheresses, la ville se prépare, toute la population se mobilise et instaure une économie d’eau afin de réduire la consommation d’eau de moitié. Ces restrictions d’eau ont continué jusqu’en 2020, lorsque les réservoirs d’eau de la ville ont finalement atteint 90% de leurs capacités. Cela montre que le stress hydrique peut être atténué par différentes mesures. World Resources Institutes recommande diverses solutions à cela :

- Préserver la flore, en protégeant la biodiversité et nos forêts

- De nouvelles méthodes d’agriculture nécessitant moins d’irrigation ou une réflexion sur les denrées qui permettent d’être cultivées avec moins d’eau

- Une meilleure gestion de l’eau dans l’espace urbain

- Une réflexion sur les eaux usées avec un investissement dans les infrastructures telles que les stations d’épuration, le traitement des eaux usées pour les réutiliser, les recycler.

            Une meilleure gestion de l’eau s’impose pour éviter cette pénurie à laquelle nous tendons et cela passe par une sensibilisation à cette consommation que nous avons choisi de mettre en scène dans ce parcours. Nous sommes persuadés que la question de l’eau se traite à l’échelle locale, c’est pourquoi aujourd’hui il est important d’éveiller les consciences de chacun, pour comprendre qu’à notre niveau nous pouvons agir pour préserver cette ressource vitale.

Pour nous, futurs architectes, il est important d’agir en tant qu’aménageurs pour une meilleure gestion de cette ressource, en travaillant sur les systèmes d’épuration, d’évacuation des eaux.

3. L'EAU GÉNÉRATRICE D'ENJEUX SOCIO-ÉCONOMIQUE

L’eau est une ressource indispensable à notre survie. L’Homme a toujours cherché à maîtriser cette ressource afin de réduire les distances entre les points d’eau et les lieux d’utilisation et à avoir un accès constant à l’eau. Ces points d’eau sont devenus des lieux de sociabilité très importants, vecteurs de rencontres, de solidarité et de partage. Autrefois, l’eau rythmait les journées des uns et des autres, on allait de source en source pour boire ou se rafraîchir, on se retrouvait au lavoir pour le linge. Les fontaines publiques étaient le lieu où l’on se retrouvait, où l’on échangeait, où l’on se rafraîchissait. Elles constituent encore aujourd’hui un symbole fort de l’eau gratuite et accessible à tous. Le développement de la distribution de l’eau dans tous les logements et de la privatisation de celle-ci par les institutions a conduit la fonction sociale de l’eau à disparaître avec le temps.  Par exemple, les bains-douches publics tendent à disparaître tout comme les toilettes publiques qui se raréfient.

            Aujourd’hui, l’accès à l’eau est décrit comme un droit fondamental. Pourtant, tout le monde n’y a pas accès. En 2015, ce sont près de 2,1 milliards de personnes qui n’avaient pas accès directement à de l’eau potable, soit près d’un tiers de la population mondiale. Il convient donc de nous questionner sur la rareté de l’eau. S’il nous suffit d’ouvrir le robinet pour que l’eau arrive jusqu’à nous, ce n’est pas le cas partout dans le monde. En Afrique, l’eau est une quête quotidienne. Les femmes ou les enfants doivent parfois parcourir plusieurs kilomètres pour pouvoir aller chercher quotidiennement l’eau dont ils ont besoin pour vivre.

            Les sources d’eau, potable ou pas, sont des lieux qui ont été au fil du temps délaissés, c’est pourquoi dans une ville comme Vichy où les sources ont été conservées, il est important de les remettre en valeur et de les redynamiser. Prenons l’exemple de la Source des Célestins comme moteur de relations sociales et espaces de rencontre, les Vichyssois s’y rendent régulièrement pour récupérer de l’eau.

En effet, cette pratique est ancrée dans la culture Vichyssoise, comme certains habitants ont pu nous le conter. Par exemple, au 1er Janvier de chaque année, on voit des dizaines de personnes qui vont boire de l’eau de source pour se purifier, moment de partage après les fêtes, où les vichyssois se croisent et se retrouvent. La vocation première de notre parcours sensible est la même : permettre aux habitants de se retrouver, aux touristes de se rencontrer, à tous de se découvrir et découvrir l’espace public d’une autre manière.

Pour nous, futurs architectes, il est important de devenir acteurs de ce que l’on voit, participer à ce que l’on sent, montrer l’eau autrement.

4. L'EAU SOURCE DE SANTÉ ET DE BIEN-ÊTRE

Les hommes cherchent à se soigner avec les eaux de sources depuis l’Antiquité. L’eau est ainsi utilisée pour ses bienfaits thérapeutiques et pour soigner de nombreuses pathologies telles que les troubles articulaires ou les troubles de la peau.

On retrouve de nombreuses traces de cette utilisation chez les civilisations grecques, romaines, égyptiennes ou gauloises. Le principe des thermes s’est aussi largement diffusé dans tout l’Empire. Tombé dans l’oubli pendant le Moyen-Âge, le thermalisme connaît un nouvel essor au XVIIIème siècle et voit le développement de nombreuses « villes d’eaux » en Europe.

 

L’eau thérapeutique se décline sous différentes formes, que ce soit des eaux minérales à boire, à inhaler ou l’immersion du corps, avec des eaux de sources, de l’eau douce ou encore de l’eau de mer. Elle varie également en fonction des cultures et des territoires : en Islande ou au Japon, la forte géothermie a permis l’utilisation des sources chaudes.

            L’eau est également perçue comme une source de bien-être et de loisirs, elle est apaisante, reposante. Aujourd’hui les villes thermales cherchent à faire reconnaître et mettre en avant leur patrimoine thermal. C’est par exemple le cas de la ville de Vichy qui lance de nombreux projets autour de son patrimoine thermal. Elle a notamment candidaté à l’UNESCO pour valoriser ses atouts avec d’autres villes européennes.

Pour nous, futurs architectes, il est important d’intégrer la question de la place de l’eau à travers un engagement du corps, de l’esprit et de l’environnement. Interroger l’eau à travers la notion du « care » permettrait de voir l’eau comme ressource vectrice de bien-être.

5. L'EAU ET L'ARCHITECTURE

Par définition, ces deux éléments s’opposent. Quand l’un est solide, l’autre est liquide. L’homme a depuis toujours tenté de maîtriser cette ressource. Lorsqu’on pense à l’eau et à l’architecture, on imagine un barrage, un moulin à eau, un aqueduc, une structure permettant le franchissement.

En effet, le premier rapport entre l’eau et l’architecture relève de l’infrastructure et du génie civil avec un rapport de domination. Pourtant l’eau a, au fil du temps, façonné le design et l’architecture pour ainsi façonner le paysage. Le premier exemple auquel nous faisons référence est bien évidemment la Fallingwater de Frank Lloyd Wright qui, posée sur son rocher, laisse l’eau filer pour renforcer sa chute plutôt que de la dompter. L’architecture n’est pas un obstacle mais accompagne le dessin de l’eau. Plus récemment, les architectes s’interrogent sur l’urbanisation de nos littoraux, avec des projets comme par exemple l’opéra d’Oslo par Big Architecture. Celui-ci fait front à la mer et est inspiré par le mouvement de l’eau et de la glace, pour permettre de faire écho à l’environnement et se fondre dans le paysage.

« Laisser l'eau entrer où c'est possible, ne pas chercher à se substituer à Mère Nature... vivre avec l'eau au lieu de vouloir la vaincre ». (Foster James Taylor, 2019, “habiter sur l’eau”, Maisons contemporaines au bord de l'eau, 272 pages)

Pour nous, futurs architectes, il est indispensable de penser l’eau comme composante d’un paysage et matière à construire.

6. L'EAU COMME SOURCE D'ÉNERGIE

L’Homme a cherché à exploiter la force de l’eau afin de créer de l’énergie et produire de la matière. Afin de transformer cette force en énergie mécanique ou pour satisfaire des besoins d’irrigation agricole ou d’alimentation domestique, l’Homme n’a eu de cesse d’améliorer ses innovations avec des Norias, des moulins à eau, la vis d’Archimède, etc.

 

De nos jours, l’énergie hydraulique sert principalement à produire de l’électricité dans les centrales hydroélectriques, là où les chutes d’eau permettent de créer une importante variation de l’énergie potentielle. Une production d’énergie propre utilisant une énergie renouvelable Le milieu marin n’est quant à lui pas en reste : les éoliennes offshore, l’énergie des vagues, des courants, l’énergie thermique que représentent les différentes profondeurs de l’océan, ou encore l’énergie osmotique présente dans les estuaires (lieu où l’eau douce des cours d’eau rencontre l’eau salée de la mer) apparaissent comme le cœur des innovations énergétiques de demain.

La géothermie profonde d’autre part est un mode de chauffage utilisé dans le monde et qui s’explique par l’usage des eaux chaudes souterraines comme vecteurs de chaleur.

Enfin, la biomasse des algues permettrait, par leurs richesses lipidiques, de créer des carburants.

Pour nous, futurs architectes, il est important de penser l’eau comme base de ces innovations technologiques, et de prendre conscience de son potentiel tout en respectant son usage.

7. L'EAU COMME DESSIN DU PAYSAGE

L’homme et l’eau ont dû s’adapter l’un à l’autre dans des sites parfois insaisissables.

L’eau est présente en ville sous différentes formes, du petit lac à la fontaine sur la place du village en passant par les canaux qui dessinent des villes comme Annecy, Strasbourg ou Amsterdam. L’eau crée des architectures : les moulins, les aqueducs ou les citernes qui ont généré des espaces publics autour d’eux. Au fil du temps, l’eau a dessiné nos villes. Que serait Marseille sans son vieux port ou Venise sans ces canaux ? Il en est de même pour Vichy où l’eau, qu’importe son usage, est omniprésente dans les esprits et l’histoire. L’eau a alors au cours des années formé nos villes comme un composant spatial. Cependant pour retrouver une présence singulière de celle-ci en ville, il ne faut plus seulement voir l’eau comme objet de contemplation.

Pour nous, futurs architectes, il est nécessaire de se questionner sur l’aspect inter-sensoriel de l’eau en ville qui nous paraît être la meilleure piste pour requalifier sa position.

 

Ainsi, habitants, élus, étudiants, curistes ou touristes sont invités à interagir avec ce parcours sensible autour de l’eau. Avec des installations expérimentales, sensorielles et émotionnelles, nous proposons de découvrir Vichy, Reine des eaux, autrement.

 

  • Toucher pour redonner de l’importance à vos gestes, aux contacts, aux interactions.

  • Voir l’eau dans l’environnement pour comprendre le paysage.

  • Écouter pour saisir l’éclat, l’écho, le chant de l’eau, comprendre le son, le rythme, et la vibration.

  • Sentir pour comprendre qu’il n’existe pas d’eau sans odeur ni saveur.

  • Goûter en faisant appel à sa mémoire sensorielle ou ses expériences personnelles pour en saisir sa qualité, ses différences.

  • Dessiner un autre rapport à l’eau, son site et son temps.

SITOGRAPHIE

« 107- L’ EAU DANS L’ART, LE DESIGN, L’ARCHITECTURE ». s. d. http://genevieveblons.blogspot.com/2017/04/l-eau-dans-lart-le-design-larchitecture.html.

2003, Témoignages re / 12 mars. 2003. « Le manque d’eau : une crise majeure du 21ème siècle ». Témoignages.RE - https://www.temoignages.re. 12 mars 2003. https://www.temoignages.re/developpement/quel-avenir/le-manque-d-eau-une-crise-majeure-du-21eme-siecle,250.

« dim_so.pdf ». s. d

. http://www.gesteau.fr/sites/default/files/dim_so.pdf.

« L’eau inspire l’architecture | URBAN HUB ». s. d.

https://www.urban-hub.com/fr/urban_lifestyle/water-inspires-new-designs-in-architecture/.

« L’eau source d’énergie - Rue de l’énergie - Tout savoir sur les économies d’énergie, les acteurs du marché, les sources d’énergie, les solutions techniques, les équipements et les matériaux. » s. d.

http://rue.nrj.free.fr/?L-eau-source-d-energie.

« Main basse sur l’eau - Regarder le documentaire complet ». s. d. ARTE. https://www.arte.tv/fr/videos/082810-000-A/main-basse-sur-l-eau/.

« peda_15_thema_eaux.pdf ». s. d. https://www.frac-centre.fr/upload/document/pedagogique/2015/FILE_551bf774a16a0_peda_15_thema_eaux.pdf/peda_15_thema_eaux.pdf.

S.A, Actiu berbegal y formas. s. d. « Eau, architecture et ville ». actiu.com. https://www.actiu.com/fr/actualite/nouvelles/eau-architecture-et-ville.

 

BIBLIOGRAPHIE 

BACHELARD Gaston, L’eau et les rêves, essai sur l’imagination de la matière, Editions José Corti, 1942

KANDEL Robert, Le réchauffement climatique, Presse universitaire de France, 2019 (Que sais-je ?)

JODIDIO Philip, L'architecture verte, Taschen, 2018

R. Beau et C. Larrère, Penser l’Anthropocène, Presses de Sciences Po, 2018

WILLEMIN Véronique, Maisons sur l’eau, Gallimard Alternatives, 2008

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